Et on continue à prier pour s’intégrer.
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Souviens-toi du café. Pendant huit heures, tu travailleras, mais la pause café sous aucun prétexte tu ne rateras.
La pause café est primordiale pour l’intégration.
C’est plus important que la compétence, que la fiabilité, que la confidentialité.
Sauf que. Je n’ai jamais fait de pause café de ma vie (professionnelle). Dans mes précédents jobs, ça ne se faisait pas. Et dans mes stages, ce n’était pas vraiment des pauses puisque l’on en profitait, ma tutrice et moi, pour échanger sur le stage, mes ressentis, mes objectifs…
« Tu viens prendre un café ? »
Comment ne pas s’intégrer en société, première édition
— Non merci je suis au milieu d’un truc.
« Ah d’accord. » (se sent aussi vexé que si j’avais insulté sa mère)
Depuis que je travaille à Campagnol Roussâtre, j’ai appris à aimer le café. (Noir, très fort, amer : le café de bureau en somme.)
Mais surtout, j’ai appris à apprécier la pause café, celle durant laquelle tu développes ton esprit d’équipe en critiquant l’institution (ou le gouvernement, au choix).
Et c’est vrai que c’est cool, en fait, de faire une pause.
Je crois que c’est indéniablement une des meilleures choses au monde.
Et je suis heureuse d’avoir vécue assez longtemps pour le découvrir.
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Honore tes enfants (ou ceux des autres), afin d’avoir longue vie et bonheur dans l’équipe que t’offre ton Employeur.
Étrangement, je ne suis pas la plus jeune de l’équipe (pourtant je suis très jeune de corps et d’esprit).
Cela dit, je suis quand même la seule à ne pas avoir de gamin. Est-ce un problème ? Non, puisque je n’en veux pas.
Sauf que. Les gens qui ont des enfants adorent parler de leurs enfants. (cf. les vieilles) (Alors que franchement, les chiens c’est bien plus passionnant comme sujet)
Ainsi, à tous les repas, j’en apprends un peu plus sur les mioches de mes collègues, que je le veuille ou non. (Et Dieu sait que je ne le veux pas !) Mais je suis obligée. Pour m’intégrer.
Alors, comme je ne suis pas du genre à me résigner, j’ai évidemment essayé de les faire parler d’autres choses : l’actualité, la cuisine indienne, l’anomie résidentielle… Rien n’y fait, ils en reviennent systématiquement à leur progéniture.
Puisque c’est cette seule distraction qui s’offrait à moi, alors j’ai écouté,
À. Tous. Les. Repas.
Et en fait, je me suis rendue compte que j’avais la chance incroyable d’avoir des collègues qui ne voient pas en leurs enfants des êtres extraordinairement parfaits. (« il a dit KAPOUÉ ! »)
Certains les décrivent même comme insupportables, bruyants, mal éduqués, pénibles, impolis, en besoin insatiable d’attention (ce qui est, je trouve, la preuve d’une grande sagesse).
Ainsi, chaque pause méridienne me conforte dans mon choix d’échapper pour toujours à cette prison parentale. Et c’est merveilleux de savoir qu’on a raison.
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Tu ne critiqueras point.
Lors de mon arrivée à Campagnol Roussâtre, on m’a attribué une marraine : Jen. Elle m’a été présentée comme une référente destinée à faciliter mon intégration dans l’équipe, soutenir mon apprentissage des missions et des outils, aider à devenir une parfaite assistante sociale (chez Campagnol Roussâtre tout du moins).
Au premier PTSD, on m’a dit : « on est content de toi, mais tu ne sollicites pas assez ta marraine. Elle est là pour toi, n’hésite pas. »
Il y avait un peu de « sens-toi libre de poser des questions » et beaucoup de « on a peur que te perdes du temps à chercher l’information au lieu de demander l’information. »
Sauf que. J’aime bien me débrouiller seule. Et aussi, j’ai toujours peur de déranger. Et aussi, je supporte pas les gens qui posent des questions sans avoir un minimum cherché la soluce par eux-mêmes. #RTFM
Mais soit, pour répondre aux exigences du PTSD – et passer la période d’essai – j’ai sollicité Jen. Trois fois. En 30 jours. (Je n’ai pas pu faire plus, même en forçant.)
La première fois, je l’ai appelé pour connaître les conditions d’application de la procédure A23vdX.
La deuxième fois, je lui ai envoyé un mail pour avoir la date de départ d’un suivi qu’elle avait commencé et qui m’a été attribué en cours de route.
La troisième fois, je lui ai posé une question à la pause déjeuner. (Peux-tu me rappeler s’il est plus urgent d’appeler les personnes de la liste 1 ou de la liste 2 ?)
À chaque fois, je pouvais avoir la réponse en cherchant un peu. Mais c’est typiquement le genre de questionnements qu’il m’a été demandé de partager avec Jen. Alors je me suis exécutée.
Sauf que. Quelle ne fût pas ma surprise, lors du deuxième PTSD, d’entendre Jen dire devant Madame Chef et moi-même : « alors MOI je suis TRÈS INQUIÈTE car tu me sollicites DE PLUS EN PLUS, et j’ai PEUR que cela vienne d’une MAUVAISE ORGANISATION ».
Tombée des nues, la petite Wisel.
Première fois que j’entends parler d’une supposée mauvaise organisation.
Cela n’a même pas, ne serait-ce qu’été évoqué dans l’un de nos trois échanges.
Et maintenant, devant la chef, Jen se dit très inquiète ?
Ni une ni deux, me voilà partie pour recevoir 15 minutes de conseils pour m’organiser.
Moi. Wisel.
La nana la plus organisée de la Terre (ou du moins, luttant sur le podium aux cotés de Marie Kondo).
Celle qui – rappelons-le, avant de devenir assistante sociale – a fait trois d’études en organisation et gestion. Celle qui a travaillé durant 6 ans dans la coordination et la planification.
Passons.
Madame Chef, pour m’aider, a donc proposé des Points Inutiles et Très Chronophages Hebdomadaires (ou PITCH) entre Jen et moi jusqu’au troisième et dernier PTSD.
PITCH que nous avons accepté avec entrain, évidemment. C’est l’jeu.
Est-ce nécessaire d’avouer que ma confiance en Jen était légèrement émoussée, pour ne pas dire battue et laissé pour morte ?
Est-ce nécessaire de préciser que je ne l’ai plus jamais sollicité ?
Est-ce nécessaire d’insister sur le fait qu’aucun des PITCH n’a eu lieu, parce que Jen n’a jamais été disponible aux dates prévues (une MAUVAISE ORGANISATION peut-être) ?
Je ne sais pas.
Mais mes collègues, eux, sont curieux de savoir : « comment ça se passe, le parrainage, avec Jen ? », « ça t’est utile ? », « vous vous dîtes quoi, en PTSD ? », « vous vous organisez comment ? », et bien d’autres questions pertinentes.
Que leur répondre ? Que Jen est possiblement une hypocrite ? Que je me sens trahie et bafouée jusqu’au plus profond de moi (oui, je sais prendre du recul, oui) ? Que je ne vois pas pourquoi elle a dit ça et donc que je me fais d’énormes films sur le fait qu’elle va dire que je suis une MAUVAISE assistante sociale et que je vais être renvoyée avant la fin de la période d’essai, finir ma vie sous un pont à mendier dans le froid pour acheter quelques croquettes à Walo ; et tandis qu’un enfant me pontera du doigt en s’exclamant « Maman regarde comme elle est triste la dame », sa mère lui répondra, « ne la plains pas, elle a loupé sa période d’essai à Campagnol Roussâtre, elle n’a que ce qu’elle mérite… »
— Ouais nickel, c’est flex (?) Et tes enfants, ils vont bien ?
Ne pas oublier qu’au travail, de trop rapides confidences peuvent avoir d’affreuses conséquences.
Ékiso