Et on commence à se dire si on a vraiment envie de s’intégrer.
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Tu ne commettras pas d’erreur.
Je ne parle pas ici de banales erreurs d’incompétence mettant en jeux la vie des usagers, par exemple : « mais oui, Monsieur, bien sûr que le RMI ça existe toujours ! Faisons votre dossier ! » ou « vous souhaitez ouvrir une start-up pour vendre des Hand Spinner ? Merveilleux, écrivons ensemble votre lettre de démission ! »)
Ce genre d’erreurs sont quotidiennes dans le monde du social, on s’en fiche.
Je parle de graves erreurs, celles qui ont de graves conséquences sur la vie professionnelle.
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Il y a celles que j’ai déjà commises depuis mon embauche et que je ne me pardonne pas, par exemple :
◗ Taper la bise à quelqu’un qui me tend la main
◗ Oublier ma carte d’accès au bâtiment et interrompre un entretien entre une collègue et une veuve éplorée en lui téléphonant pour qu’elle vienne m’ouvrir
◗ Me tromper de prénom entre deux collègues qui se détestent
◗ Porter des chaussures qui grincent
◗ Vouloir prendre une conversation en cours de route en tentant de dire quelque chose d’approprié a priori, pour finalement me rendre compte que je suis totalement à côté de la plaque
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Et puis il y a celles dont j’ai été témoin durant mes stages, et que je mets un point d’honneur à ne jamais reproduire. Par exemple :
◗ Appeler la stagiaire « la stagiaire »
◗ Mettre du poisson à l’ailloli à réchauffer au micro-ondes
◗ Porter un jugement hâtif (et s’y tenir)
◗ Demander à un collègue quelle est la signification de son tatouage et lui faire ré-expliquer la signification, et le pousser à détailler la signification, pour finir par lui dire que les tatouages, c’est très personnel
◗ Obliger l’autre à se justifier quand l’erreur vient de soi (« mais pourquoi tu m’as pas prévenu que t’avais pas d’autre copie de ce dossier que je viens de perdre ? »)
Chacun devrait avoir sa liste, en fonction de son expérience et de ses valeurs. La relire de temps en temps permet de ne pas oublier ce qui est important pour soi. (Je vous invite d’ailleurs à partager la vôtre en commentaire : cela pourrait faire gagner un temps précieux à beaucoup d’entre nous, moi inclue.)
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Tu ne pavoiseras pas.
Au cas où ce n’était toujours pas clair : j’adore mon travail.
Et si j’ai appris quelque chose depuis trois mois que je travaille ici, c’est que ce n’est pas le cas de tous mes collègues. Certains ne sont pas passionnés, et ce n’est pas grave : ce n’est pas nécessaire pour faire du bon travail. Mais d’autres en ont tout simplement MARRE : ils râlent, ils pestent, ils viennent à reculons, ils se plaignent.
Je peux le comprendre.
Mais, ils sont là.
Et envers et contre tout bon sens (le mien, il n’y en a qu’un qui compte) : ils restent à leur poste.
Et ils mettent un point d’honneur à ce que le monde soit à leur image : morne et blasé.
Sauf que. Moi, je suis hyper contente. Enthousiaste. Motivée.
Est-ce une raison pour le cracher à la figure de mes collègues ? Non, parce que c’est hyper énervant.
Est-ce une raison pour jouer la nana désabusée et indifférente ? Non, parce que ça ne me ressemble pas, et que ça me paraîtrait totalement insensé en prise de poste.
Du coup, quand mes collègues me demandent si je suis contente de travailler chez Campagnol Roussâtre, je leur réponds humblement : « oui, très. »
Leur réaction ? « Tu verras, ça ne durera pas. »
Ce que j’en pense : mais quel est l’intérêt de dire ça ? Qu’est-ce que je suis censée comprendre de cette remarque? Que le job est pourri ? Que l’institution est pourrie ?
Si tu veux me mettre en garde contre quelque chose, sois clair.
Si tu veux me donner ton avis, sois clair.
Si tu veux partager ton expérience, sois clair.
Sinon, ne dis rien.
Ce que j’ai répondu :
— Euh… OK, c’est flex (?)
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Tu ne porteras pas de talons.
Parce que le bruit des talons qui claquent au sol, ça m’énerve. Et aussi parce que les visites à domicile réservent bien des surprises.
Quand j’étais stagiaire, mes tutrices faisaient en sorte que mes VAD se passent près du bureau. je marchais quelques minutes en ville avant d’arriver à destination sans encombre. Ma principale difficulté était, tout au plus, d’éviter les crottes de chien.
Maintenant que je suis professionnelle, je fais une heure de route, je me perds dans la campagne, j’insulte le GPS, je maudis les gens qui habitent loin, je peste sur les maires qui ne construisent par assez de parkings, et je marche des kilomètres dans des villages paumés en cherchant une maison sans numéro et en sonnant chez tout le monde : « vous cherchez qui ? Madame Machin ? Ah mais oui c’est derrière la boulangerie, là-bas, attendez je vous y emmène. Vous savez elle a perdu son mari récemment, c’est dur pour elle. Vous êtes de la famille ? Non ? Ah bon. En tout cas il fait bien beau aujourd’hui, hein ! Dire qu’hier il pleuvait, dans quel monde on vit, hein ! »
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Tu ne convoiteras pas le poste de travail de ton prochain, ni sa chaise ni son stylo, ni son caisson ni sa souris, ni son clavier ou son écran : rien de ce qui lui appartient.
Ce commandement parle de lui-même, n’est-ce pas ? PAS TOUCHE À MES AFFAIRES.
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Conclusion
Le troisième et dernier PTSD ayant eu lieu : me voici validée. Ne me félicitez pas, non. Encouragez-moi plutôt à rester moi-même, fière, digne, et forte devant l’adversité des assauts du monde social.